Erasme a deux ans. C’est peu. Mais en politique, tout va si vite que déjà ce moment de la création nous semble loin. Pour autant, les raisons qui ont entraîné la création de ce groupe politique sont toujours d’actualité. En effet, entre le chemin du mouvementisme, de l’action qui se substitue à la pensée d’un côté, et le simple décalque de ce qui se passe dans l’Europe du Nord dans la famille social-démocrate, nous avons trouvé nécessaire de tracer notre propre sillon. Car le socialisme français a une spécificité forte, de par la puissance de la pensée politique de son fondateur Jean Jaurès.
Néanmoins, notre volonté n’est pas de nous retourner vers notre passé et de verser une larme nostalgique. Notre objectif est de construire les fondements d’un discours politique à la fois neuf, mais aussi respectueux de ce qu’a été, de ce qu’est et de ce que devra être le socialisme.
Pour nous, le cœur de notre action s’articule sur une méthode, des leviers et des objectifs.
La méthode, notre méthode ce n’est pas uniquement le réformisme comme alternative au mythe du grand soir. Être réformiste ne nous distingue pas d’autres, y compris de l’autre côté de l’échiquier, même quand le réformisme se rapproche du bougisme. Non, notre méthode est plus large parce qu’elle consiste à intégrer à tout moment la durée. Chaque politique doit être durable, ce qui signifie que chaque fois que nous proposons une initiative politique nouvelle, nous évaluons les conséquences en matière de développement social, économique, et environnemental, bref, en matière de développement durable.
En quelque sorte, cette intuition correspond à la désormais surannée clause sociale transversale du traité jadis constitutionnel. Aucune action ne pourra échapper à cet examen.
Parmi les outils politiques qui nous permettent d’agir sur nos destinées, il y a l’Europe. Dès notre origine, nous voulions une Europe politique, sociale et puissante. C’est dire combien nous étions optimistes ! Désormais nous savons que le chemin sera plus escarpé, la route plus longue. Pour autant, nous sommes jeunes, et nous ne sommes pas prêts de renoncer, pour deux raisons. D’abord, nous disons que c’est la seule voie possible, la France n’a pas de perspective hors de l’Europe. Ensuite, nous disons que si nous, ne reprenons pas le flambeau de l’Europe sociale, politique et puissance, alors personne ne le fera. Le manque d’imagination du camp conservateur prouvera son inaptitude à élaborer des réponses tangibles pour nos concitoyens. Quant à la gauche de la gauche, elle proclamera certes l’agora de tous les citoyens d’Europe, mais elle n’y verra qu’un moyen de s’ancrer dans le mouvement social qui est et reste son seul débouché. Le happening sera joli, et invitera quelques socialistes à réclamer un aggiornamento général de la gauche de gouvernement. Pendant ces manœuvres, le marché européen tournera à vide, et le temps passera encore et encore …
Mais l’Europe n’est pas notre seul outil. Nous croyons fermement à l’efficacité de la puissance publique au service de l’égalité républicaine. Les services publics, la société de l’éducation, et la redistribution fiscale sont aussi des leviers essentiels au service de notre pacte social. Car plus que jamais, l’objectif que nous poursuivons est de créer les conditions d’un pacte social ancré sur une république ouverte fondée sur l’égalité et la liberté de chacun.
Une république ouverte, cela signifie qu’il nous faut rechercher une voie nouvelle entre le discours des quotas et de la discrimination positive et le mythe républicain originel qui considère chacun dépourvu de toute identité propre. Cette légende originelle n’est plus vivable aujourd’hui. Ne pas reconnaître le fait régional, les origines sociales, ethniques, dans une terre d’asile comme la France, c’est perdre dès l’origine tout ce qui peut faire la richesse de notre pays. Le multiculturalisme est merveilleux quand il consiste en un dialogue entre les cultures. C’est pourquoi nous ne pouvons pas souscrire aux quotas d’immigration tels que certains, y compris à gauche, nous le proposent. Prenons garde à préserver ce qui fait notre grandeur dans le monde, et à ne pas nous couper des préoccupations sociales et politiques des pays du Sud.
La liberté, cela signifie pour nous l’émancipation. Historiquement, le socialisme est une idéologie de l’individualisme. Mais cet individualisme est entendu comme l’accès de chacun à la liberté individuelle. Par conséquent, nous refaisons nôtre cet objectif. Pour la jeunesse, cela entraîne une conséquence simple. Chaque jeune devant avoir les moyens de son émancipation, il nous faut remettre au goût du jour le principe de l’allocation d’autonomie pour les jeunes. Cet outil est difficile à mettre en place, tant il est difficile d’exiger d’un jeune de 18 ans qu’il soit capable de définir son projet de vie professionnelle. Pour autant, cet effort est nécessaire tant une grande part de sa vie dans le monde économique dépend des choix de cette période.
Enfin, nous voulons dire que notre action s’inscrit dans le cadre de notre famille politique. Le mouvement socialiste est et sera le lieu où nous ferons valoir nos idées, nous l’espérons pour le plus longtemps possible. C’est aussi cela la prise en compte de la durée.